jeudi 4 avril 2013

Le Diable en Bretagne. Etape par étape.



Pour les curieux, voici, de façon détaillée, les différentes étapes de la réalisation du Diable en Bretagne.

Le livre est une compilation de courts récits mettant en scène le Diable chez les Bretons armoricains, à la manière des Légendes de la Mort.

Il s'agit donc de faire une image qui résume l'ensemble et ne se limite pas à l'anecdote.
Plutôt que représenter un bouc anthropomorphe en situation, image mille fois vue, j'opte pour une scène réaliste : une gargouille posée sur une pierre d'angle. Cette dernière domine un paysage où l'on apercevra une jeune femme recueillie devant une croix moussue nichée au creux d'un arbre.

L'ensemble sera un contre-jour lumineux, au coucher du soleil.

L'idée est jetée rapidement sur le papier.
C'est le rough.
( figure 1)

Figure 1

Le rough a permis de visualiser grosso modo l'idée. Il faut maintenant passer à un crayonné plus abouti.
Le sens de lecture se faisant de gauche à droite, j'inverse les éléments : le Diable apparaît en haut à gauche, la petite scène en bas à droite.
La composition implique plusieurs niveaux : la gargouille est située au premier plan, très près du spectateur, un peu au dessus de l'horizon. La jeune femme recueillie se trouve sur un tertre qui domine des chaumières en contrebas, elles-mêmes situées en hauteur par rapport au niveau de la mer.

Comme toujours, afin d'avoir un bon niveau de réalisme, je fais poser un modèle à la fois pour la gargouille et pour la jeune femme en prière. ( figure 2)

figure 2

Le crayonné est terminé. Je le reporte sur mon support - un contrecollé enduit de gesso -  puis ajoute les détails oubliés sur le crayonné.

Le travail à la peinture peut commencer.

La première étape consiste à poser l'aplat qui servira de base au travail du ciel : un bleu tirant très légèrement sur le vert, pour ne pas utiliser un cyan sortant du tube. ( figure 3)

Figure 3


La scène mettra en opposition deux teintes principales. Celle, jaune-orangée des éléments éclairés par le soleil couchant et celle, complémentaire, donc bleu-violette des objets apparaissant à contre-jour ou dans l'ombre.

Les éléments situés dans l'ombre seront d'abord travaillés comme éclairés par une lumière blanche, puis en dernier recouverts par un jus transparent bleuté.
Cette technique est plus difficile à mettre en œuvre qu'un travail dans le frais mais offre une bien plus grande justesse des couleurs.

Avant de superposer le jus bleuté qui donnera aux parties sombres leur aspect final, donc, je peins les éléments de façon détaillée sans me soucier du contre-jour.  ( figure 4)

Figure 4

La pierre, tout d'abord, en revenant au pinceau sec, avec du gris légèrement brun ( Noir de carbone + blanc titane + sienne naturelle ) sur un aplat noir ( figure 5)

Figure 5


La matière de base de la pierre étant terminée, je poursuis par quelques touches de gris-vert pour entamer le travail des lichens.
Je pose également les aplats des nuages, gris ( noir carbone + blanc titane)
Ces éléments devant être recouverts par un jus final, qui outre le fait d'unifier les couleurs assombrira l'ensemble, il faut donc veiller à bien contraster les valeurs ! ( figure 6 )

Figure 6


Je poursuis le travail sur la pierre au premier plan : Les lichens gris sont finalisés, des lichens de couleur orange, caractéristiques du granit sont ajoutés.
Les aplats de base sont posés sur le paysage en bas à droite. ( figure 7 )

Figure 7


A nouveau, je reviens sur la gargouille.
Après les matières réalisées en frottis, au pinceau sec, je travaille les reliefs par des jus dilués de noir trichrome.
Le noir, réalisé avec un mélange de brun et de violet, ou de brun et d'outremer, se dégrade en tirant soit sur le bleu, soit sur le brun, selon l'effet recherché. ( figure 8 et 9)

Figure 8

Figure 9


Je poursuis maintenant avec le reste du paysage devant figurer à contre-jour.
Les parties qui seront éclairées par le soleil couchant sont laissées pour le moment en réserve ( figure 10 )

Figure 10

A ce stade, j'opère une modification sur les maisons.
L'architecture que j'avais dessinée convenait pour des toits en ardoise, pas pour des chaumières !
( figure 11)

Figure 11

Le paysage dans l'ombre n'attend plus que son jus bleuté final... Je peux maintenant revenir aux nuages, à l'aérographe.
Toujours un noir trichrome, légèrement violet, est passé sur l'aplat gris.
L'aérographe permet des dégradés plus fins que le pinceau.
(figure 12)

Figure 12

Puis les lumières sur les nuages, en jus, avec du blanc titane (figure 13)

Figure 13


Le bleu final pour les parties ombrées peut être appliqué...
Sa composition est de 9/10 de bleu cobalt et 1/10 de violet.
Je l'applique en couches superposées, très diluées, à l'aérographe, pour avoir une couleur parfaitement uniforme et transparente. (figure 14)

Figure 14

Après l'ombre, la lumière...
Plusieurs passages à l'aéro, avec des couleurs transparentes appliqués sur le blanc.
Jaune d'or d'abord, puis jaune orangé.
Le ciel supérieur est également finalisé : un jus bleu légèrement atténué par du vert émeraude est dégradé sur l'aplat de base.
Les proportions du bleu sont 8/10 de cobalt, 1/10 de violet et 1/10 de vert émeraude.
(figure 15)

Figure 15

La lumière éclaire la pierre...
Pinceau sec sur l'aplat gris-violet sombre.
(figure 16)

Figure 16

Puis l'herbe et les halos autour des nuages...
(figure 17)

Figure 17

Avant-dernière étape : les lumières orangées sont posées sur les rochers, les faîtières des chaumières, les arbres et buissons au second plan.
Lorsque le mélange orangé ( jaune d'or + jaune cadnium orangé ) est posé en transparence sur le noir, la première couche apparaît vert jaunâtre. Les couches suivantes évoluent vers le jaune orangé final.
(figure 18)

Figure 18




Dernière étape :
Les lumières oranges sur les branches, les vagues, la femme, les racines sont posées. La végétation au premier plan est renforcée, les contrastes sur les vagues également.

La signature marque le point final..pour le moment. Une illustration n'est jamais terminée, on peut y revenir à tout moment.
(figure 19)

Figure 19

Et en voici la preuve !
La gargouille paraissant trop peu lisible, je décide de forcer les lumières.
Sa silhouette se détache maintenant beaucoup plus, ce qui est le but initial.
( figure 20)


Figure 20









8 commentaires:

  1. Clément Fleury4 avril 2013 à 14:21

    Vraiment sympa de pouvoir assister étape par étape de la recherche au résultat final d'une de vos illustration. Merci du partage, un très beau boulot ;)

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  2. Très intéressant. Quelle technique !

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  3. Bravo pour ce travail pédagogique !
    Je peins moi aussi à l'acrylique, vos conseils me sont très utiles.
    Avec mes meilleures salutations.

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  4. Bonjour monsieur Mosnier,
    Vos explications sont passionnantes et permettent de bien se rendre compte de la difficulté de réaliser des illustrations aussi complexe.
    Vraiment merci pour ces leçons de création en ligne.

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  5. Quelle image saisissante et vertigineuse ! Le Bien vu du Mal. Les arbres tortueux (spontanément je pense aussi bien au Japon qu'à Van Gogh) prolongent la menace de la chimère. Il faudra vraiment beaucoup de prière et de force morale à la demoiselle ! Bravo Marc et merci aussi pour la passion pédagogique qu'on te sent. L'invité éprouve toujours l'envie inavouée... d'entrer dans la cuisine, ce qui ne se fait pas.

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  6. Pour moi, c'est plus impossible que quelqu'un qui se jetterait en bas de la Tour Eiffel et qui arriverait sur ses pieds en bas.
    Moi dont les bonshommes en sont restés à un défi pour psychiatre, et qui suis incapable de mettre une cuillère de confiture sur une tartine sans en foutre partout, ça me dépasse, mais alors à un point.
    A chaque fois, je regarde cette chose impossible se dérouler et je me dis : " ce truc est vraiment fait à la main, il le fait avec sa main"...

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  7. Curieusement je suis particulièrement maladroit avec la confiture.
    Merci à vous, Alen et Jehoël !

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