vendredi 27 avril 2012

Les lavandières de la nuit WIP

Voici, de façon détaillée, les différentes étapes de la réalisation des lavandières de la nuit.


1. idée

Les lavandières de la nuit sont des spectres que le voyageur imprudent rencontre au détour d'un bois, les nuits de pleine lune. Réunies autour d'une fontaine isolée, elles tordent leurs linceuls.

L'idée s'impose d'elle-même : Les femmes maléfiques font face au spectateur. Interrompues dans leur action, elles sont figées et leurs regards convergent vers la future victime.
Pour être fidèle à la légende, l'action se situe au clair de lune, dans une atmosphère de contre-jour lumineux qui accentue le mystère.


 2. Composition

J'ai choisi pour cette scène une composition en diagonale, plus originale qu'une classique organisation des figures en pyramide.
Les trois personnages s'inscrivent dans la partie gauche du tableau ( figure 1).

Figure 1


Les éléments de décor sont progressivement mis en place. La lune, tout d'abord, qui encadre le personnage en pied et les draps noués au premier plan ( figure 2). Je travaille avec des calques - que je déplace sur une feuille quadrillée par les tracés régulateurs -  et modifie pour trouver le bon ajustement...

Figure 2

puis les figures d'arrière-plan ; les arbres et la roue de charrette ( figure 3)...

Figure 3


Le personnage du centre et de droite présentent tous les deux leur visage de face. Pour le dynamisme de la composition, une rectification s'impose. Je fais pivoter légèrement la tête de la femme étendue vers la gauche, rétablissant l'équilibre avec l'ensemble ( figure 4) .

Figure 4

La composition me semble à peu près satisfaisante - on n'est jamais vraiment satisfait - je peux passer maintenant à la réalisation.


2. Exécution à la peinture

Le dessin est reporté sur mon support , un contrecollé, préalablement enduit de Gesso.
C'est la contre-épreuve.

Quelques modifications et ajouts de dernière minute interviennent. La roue de charrette est repoussée plus en arrière, appuyée contre la racine. Le personnage couché pose sa main sur un battoir, donnant plus d'équilibre au premier plan. C'est en outre un élément présent dans la légende ( figure 5).
Figure 5

Le travail à la peinture peut commencer.
L'illustration est réalisée avec des acryliques en tubes et liquides.

L'aplat principal est posé, au pinceau. Je choisis un bleu turquoise qui servira de base pour le ciel et son reflet dans l'eau ( figure 6).
Figure 6

Puis un noir opaque recouvre les arbres, de façon à bien marquer les zones essentielles ( figure 7 ).
Pour avoir une vision claire de l'ensemble, ne jamais rester collé le nez sur l'image : toujours prendre du recul, se mettre à plusieurs mètres et observer.
Figure 7

L'aérographe intervient. Sur l'aplat bleu turquoise, je dégrade un glacis bleu-noir autour de la lune.
Les " jus" transparents superposés à des aplats acrylisés permettent d'obtenir des teintes profondes et très lumineuses, ce que ne permet pas un travail "dans le frais" ( figure 8 ).
Figure 8

Je finis maintenant de poser les aplats restants (figure 9).
Figure 9


Si le ciel et l'eau ont été traités en glacis, pour les matières, j'utilise des frottis.  Je reviens au pinceau sec, avec des valeurs plus claires.
D'abord les parties éclairées par la lune ( figure 10 )...
Figure 10
puis les lumières incidentes, en bleuté ( figure 11)
Figure 11
Je rajoute des lichens. C'est un petit artifice qui permet d'illuminer l'image. Les scintillements ajoutent à  l'atmosphère irréelle ( figure 12 )
Figure 12

Vient ensuite le travail des matières sur les vêtements. Le frottis est idéal pour faire ressortir le côté usé des tissus ( figures 13 et 14 ).
Figure 13

Figure 14


 Finalisation de l'arrière-plan : travail sur le paysage, la Lune et la roue de charrette ( figure15)
Figure 15

Une fois les matières terminées, je reviens en glacis, sombres sur clair, pour indiquer les volumes, les ombres  ( figure 16)
Figure 16

Puis à nouveau en clair sur sombre, avec des rehauts de blanc pour faire ressortir les brillances, sur les tissus, les visages, les mains ( figure 17)
Figure 17

Il ne reste plus qu'à harmoniser l'ensemble:
Les personnages et objets du premier plan , vus à contre-jour , sont recouverts par un léger glacis bleu nuit et entourés d'un halo lumineux ( cheveux, contour des vêtements ) donnant ainsi une cohérence avec l'arrière-plan.  ( figure 18).
Figure 18

Encore quelques ajustements de lumières et d'ombres, sur les mains, les vêtements et le résultat final est prêt à être livré ( figure 19 )
Figure 19


D'autres modifications interviendront sans doute plus tard, quand l'image sera ressortie de son carton après  quelques mois d'oubli.  Une illustration n'est jamais terminée.
Un regard neuf s'impose toujours





5 commentaires:

  1. Formidable travail de pédagogie. Votre blog est passionnant.

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  2. Cher Marc,
    Je peins à l'huile également à l'acrylique.
    Votre maitrise est tout simplement époustouflante, de quoi tout laisser tomber !
    Je vous admire beaucoup.

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  3. Bonjour, votre article agrémenté d'illustrations "étape par étape" est très clair et me réconcilie avec la possibilité de peindre moi-même (tout en étant conscient de la limite de mes moyens).
    Cordialement,
    FC

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  4. Merci !
    Si vous avez besoin de conseils, n'hésitez pas.
    Très cordialement,
    Marc

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  5. Non seulement c'est passionnant, édifiant et magnifique, mais je trouve que cela soulève un point bien en vogue en ce moment sur Internet, des cryptages, mots de passe, et droits de ceci et de cela.

    Ce point, c'est que les vrais savants, ceux qui ont l'essentiel en eux, dans leurs mains, n'ont jamais peur d'exposer ni de partager leur savoir, au contraire.
    Car ce qu'ils ont, personne ne peut leur voler, mais eux peuvent le donner !

    Je me demandais comment on faisait une telle image. Maintenant je le sais, mais je suis tout autant incapable de la faire !

    Marc m'a donné, sans que je lui prenne rien. Le savoir, le vrai, la richesse, la vraie, est bien dans l'humain, et nulle part ailleurs, et il ne se transmet que d'être à être.

    Merci encore, et évidemment, bravo pour l'image.

    Époustouflant, il n'y a pas d'autre mot.

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